Une voiture autonome ?

« Non merci » pour plus de 4 Belges sur 5

Economic Poll n°49

Une voiture autonome? « Non merci » pour plus de 4 Belges sur 5

Même s’il reste encore du travail à réaliser au niveau technologique, éthique et de la production à grande échelle, les voitures sans conducteur sont déjà une réalité et il est désormais possible d’aller de la Panne à Arlon (presque) sans toucher le volant. L’impact économique devrait, selon Google et Tesla, être important dans la prochaine décennie que ce soit au niveau de l’activité industrielle, de la productivité mais aussi de la qualité de vie et de l’organisation au sein des villes.

Malgré certains bénéfices apparents, l’introduction de cette nouvelle technologie induit des coûts, des risques et par conséquent des craintes auprès des consommateurs. Le consommateur belge est-il entièrement favorable à l’avènement de la voiture autonome et de manière plus générale au développement de l’intelligence artificielle ? Dans le cadre de récents Economic.Polls@ING (1), nous avons testé la perception des clients ING à ce propos. A l’heure actuelle, la méfiance reste de mise envers ces nouvelles technologies puisque seulement 18% des répondants considèrent que la voiture idéale est complètement autonome. Par contre 34% des répondants ne souhaitent aucune aide automatisée de leur véhicule. Finalement 48% des répondants acceptent une certaine autonomie à condition qu’elle soit partielle, comme par exemple le régulateur de vitesse (cruise control) ou le système d’aide au stationnement.

Une autre question posée pousse le raisonnement un cran plus loin et teste la perception quant au rôle de l’intelligence artificielle dans les développements à venir. A nouveau la méfiance reste de mise puisque près de 6 répondants sur 10 considèrent que l’intelligence artificielle représente un danger pour l’Homme. Au contraire, près d’un répondant sur 3 pense que cela représente l’avenir. Enfin seulement 6% des répondants jugent que cette technologie a atteint sa limite et ne progressera plus de manière significative.

Malgré les investissements et tests actuels, la voiture autonome ne fait donc pas encore rêver nos consommateurs et semble générer davantage de craintes que d’engouement. Répondre à cette question d’un point de vue économique nécessite une analyse à la fois des coûts et des bénéfices. Au niveau des bénéfices, un des éléments importants est le gain de productivité et la réduction du problème de congestion au sein des villes. La congestion du réseau routier (particulièrement marquée pour Bruxelles souvent considérée comme l’une des villes les plus embouteillées en Europe) pourrait être réduite étant donné la capacité des véhicules autonomes à rouler « pare-chocs contre pare-chocs ». Des déplacements plus rapides permettraient aux travailleurs itinérants d’optimiser davantage leur temps de travail et potentiellement de mettre à profit le temps de trajet. La productivité ou en d’autres termes la valeur ajoutée par rapport au nombre d’heures prestées serait donc plus élevée et en particulier dans le secteur des services à domicile ou des services aux entreprises. Mais au-delà de ces bénéfices purement productifs, l’aspect humain ne doit pas être oublié puisque la conduite automobile est souvent référée comme une source importante de stress. Par conséquent, une voiture autonome pourrait indirectement impacter positivement la productivité au niveau des heures « hors conduite ». En se projetant un peu plus loin, on peut même y voir des bénéfices liés à une utilisation plus effective du parc automobile. Selon plusieurs études, une voiture est en moyenne immobilisée 95% de son temps. Une voiture autonome pourrait mener à un système de partage plus adapté à la demande des consommateurs et par conséquent à une réduction du coût moyen d’un véhicule. Nous n’y sommes pas encore et à l’heure actuelle les économies d’échelles sont encore inexploitées et les coûts restent importants surtout en termes de coûts d’acquisition. Mais le « coût » le plus important reste le risque potentiel lié au manque de maitrise de l’outil technologique. Les voitures autonomes ont encore beaucoup à apprendre sur la vie en ville, peuplée par des humains imprévisibles qui ne sont pas seulement des conducteurs, mais aussi des piétons et des cyclistes. Elles ont encore beaucoup d’informations à emmagasiner pour faire face aux feux de signalisation et routes verglacées par exemple. Finalement, même si des nouveaux emplois apparaissent, il reste des défis sociaux liés à une perte d'emplois dans certains secteurs, en commençant par les conducteurs de taxis et de camions. C’est le phénomène de « destruction créatrice » décrit par Joseph Schumpeter, il y a plus de 70 ans.

De manière plus générale, c’est l’intelligence artificielle (l’aptitude des machines à réaliser des activités attribuées généralement aux humains) qui semble catalyser une série de risques et dangers dans l’esprit des consommateurs. A ranger au niveau des bénéfices économiques, il y a à nouveau les gains de productivité mais aussi l’apparition de nouveaux secteurs générateurs d’activité et d’emplois. (ex. robotique, statistiques ou imagerie médicale). Le revers de la médaille reste évidemment que la création d’activité risque de se faire au dépend de secteurs plus traditionnels mais aussi des travailleurs moins qualifiés (voir ING Focus – Emploi, Avril 2016). A une échelle macroéconomique, cela pourrait être vecteur de polarisation du marché du travail.

En définitive, la voiture autonome et de manière plus générale l’intelligence artificielle apparaissent comme des technologies perturbatrices mais perturber peut être perçu positivement ou négativement. Ces dernières vont modifier le fonctionnement du secteur industriel et agir comme des « destructions créatrices » autant au niveau de l’emploi que des secteurs d’activité. Cependant même si nous sommes à la veille d’une révolution, les changements n’apparaitront que progressivement un peu à l’image de la révolution internet entamée au début des années 90 qui a dû attendre les années 2000 pour être domestiquée à grande échelle.

(1) Disclaimer  Economic.Poll@ING est une question posée chaque semaine sur la page de logout d'ING Home'Bank. Les questions commentées ici ont été posées entre le 11 juillet et le 24 juillet 2016 (respectivement 3014 et 3667 personnes interrogées). La représentativité de cet échantillon n’est pas garantie.

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Pour plus d'informations:

Geoffrey Minne, économiste, +32 2 547 33 86, Geoffrey.Minne@ing.be

Vanessa Zwaelens

Head of External Communication