Perspectives économiques et financières d'ING Belgique : Alors que 2025 s’annonce modérée pour l’économie, les Etats-Unis resteront en haut de l’affiche sur les marchés financiers
Mercredi 4 décembre 2024 - Bruxelles - Selon Peter Vanden Houte, économiste en chef d'ING Belgique, 2025 sera une année plus difficile sur le plan économique, la croissance ne se redressant pas vraiment et la tendance à la désinflation étant à bout de souffle. L'élection de Donald Trump a créé une incertitude supplémentaire. Les États-Unis devraient néanmoins continuer à tirer leur épingle du jeu, tandis que la Chine et surtout l'Europe, déjà confrontées à des problèmes internes, devront faire face à une hausse des droits de douane américains sur les importations. Dans ces conditions, les possibilités de baisse des taux d'intérêt sont plus limitées aux États-Unis qu'en Europe. La croissance de l'économie belge devrait retomber à la moyenne de la zone euro, soit 0,7%, en raison d'une politique budgétaire plus restrictive attendue.
Lors de la présentation du volet financier des perspectives pour 2025, Steven Vandepitte, investment strategist chez ING Belgique, a déclaré que la croissance des bénéfices, l'élargissement du rallye boursier et la baisse des taux directeurs devraient rester globalement favorables aux actifs à risque. Cela devrait être particulièrement le cas aux États-Unis, mais dans une moindre mesure et sans doute de manière plus volatile qu'en 2024. Les actifs plus sensibles à la baisse des taux d'intérêt, comme le secteur des services informatiques et de communication, l'immobilier coté, les sociétés à faible capitalisation mais sans endettement excessif, et les métaux précieux, devraient tirer leur épingle du jeu.
Perspectives macroéconomiques : Trump 2.0 colore les perspectives de croissance et d'inflation
L'économie mondiale a connu une croissance modérée en 2024. Dans le même temps, l'inflation est revenue à des niveaux plus acceptables, ce qui a permis aux banquiers centraux d'assouplir leur politique monétaire : le mélange idéal pour les marchés financiers. Cependant, l'année 2025 présente de nombreuses incertitudes. L'élection de Donald Trump aux États-Unis entraînera un environnement commercial mondial moins favorable. Dans le passé, cela a généralement eu un impact négatif sur la croissance économique. Dans le même temps, l'incertitude géopolitique demeure, avec un déplacement du front en Ukraine et la poursuite du conflit au Moyen-Orient, même si une amélioration dans ce domaine n'est pas à exclure.
« 2024 a été l'année de l'atterrissage en douceur. 2025 pourrait jeter un doute sur la poursuite de ce scénario et la tendance pour les marchés financiers est moins claire » déclare Peter Vanden Houte, économiste en chef chez ING Belgique.
Trump soutient la croissance américaine, mais augmente le risque d'inflation
L'économie américaine a continué à se porter extrêmement bien en 2024, avec une croissance solide et un taux de chômage toujours très bas. Toutefois, certains signes indiquent que le rythme de la croissance va se ralentir. Ainsi, le marché du travail s'essouffle, avec une légère diminution des postes vacants. En même temps, les consommateurs moins aisés semblent avoir un peu plus de mal à s'y retrouver. Pour l'instant, c'est insuffisant pour arrêter complètement l'économie américaine, mais cela a l'avantage de maintenir l'inflation sur une tendance baissière. Toutefois, l'arrivée de Donald Trump pourrait changer la donne. D'une part, il souhaite stimuler davantage l'économie par des réductions d'impôts et la déréglementation. D'autre part, des droits d'importation plus élevés sont moins propices à la croissance. La combinaison de ces facteurs devrait permettre de maintenir la croissance économique autour de 2%.
Un certain nombre de mesures politiques probables, telles qu'une forte augmentation des droits de douane à l'importation et un ralentissement de l'immigration, menacent de faire repartir l'inflation à la hausse au cours de l'année prochaine.
« Bien que certains observateurs affirment que la menace de droits de douane est une tactique de négociation, nous supposons qu'elle se concrétisera. Après tout, Trump compte sur les recettes issues des droits de douane pour financer sa réduction d'impôts et, pour stimuler l'industrie manufacturière américaine », estime Peter Vanden Houte.
Par ailleurs, l'économie chinoise connaît depuis trois ans une baisse des prix de l'immobilier, qui a également poussé la confiance des consommateurs à un niveau historiquement bas. La faiblesse de la demande intérieure a fait des exportations nettes un moteur de croissance très important. Toutefois, ce moteur risque de s'éteindre avec l'intensification des tensions commerciales en 2025. Le gouvernement chinois a peut-être enfin pris des mesures pour stabiliser le secteur immobilier et les finances des collectivités locales, mais il faut encore attendre un plan de relance plus large pour que celui-ci stimule également la consommation des ménages. Le taux de croissance officiel du PIB, bien qu'à prendre avec des pincettes, devrait atteindre 4,6% l'année prochaine, un chiffre attendu inférieur à celui de 2024 et à l'objectif de croissance de 5% que s'est fixé le gouvernement chinois.
L'Europe reste le maillon faible
La zone euro continue de se débattre. Le malaise de l'industrie ne semble pas près de s'arrêter et commence à se traduire par un refroidissement du marché de l'emploi. Dans ce contexte, l'économie semble se diriger vers une stagnation hivernale. Grâce à des accords salariaux plus élevés en 2024, les consommateurs disposeront d'un meilleur pouvoir d'achat, mais le marché du travail moins solide pourrait initialement conduire à une hausse de l’épargne des ménages. L'investissement des entreprises risque également de rester faible, compte tenu de la faible utilisation des capacités de production et de l'incertitude accrue concernant le commerce extérieur. La seule bonne nouvelle est que, grâce à la baisse des taux d'intérêt, l'activité du secteur de la construction devrait reprendre progressivement au cours de l'année 2025. Finalement, la croissance du PIB devrait s'établir à un maigre 0,7%, soit le même taux de croissance qu'en 2024.
Il est intéressant de noter que les États européens du sud, qui profitent encore davantage du plan de relance européen et qui sont moins sensibles aux droits de douane américains, continuent de surperformer la moyenne de la zone euro.
Le taux de croissance belge, qui était supérieur à la moyenne européenne depuis deux ans, tomberait également à 0,7 %.
« Ces dernières années, la croissance du PIB belge a été soutenue par une forte croissance des dépenses publiques. Cela ne sera plus possible compte tenu de l’effort nécessaire à fournir à ce niveau-là », estime Peter Vanden Houte.
Le rapport Draghi, un guide pour stimuler l'élan de l'économie européenne, risque de ne pas changer grand-chose pour l'instant. En effet, la volonté politique d'une plus grande intégration européenne est actuellement absente, l'axe franco-allemand étant fortement affaibli.
La tendance désinflationniste s'atténue
Bien que l'inflation dans le secteur des services ait un peu diminué et que les accords salariaux se modèrent légèrement, la tendance à la désinflation commence à s'essouffler quelque peu. Les prix des denrées alimentaires repartent à la hausse et l'augmentation des droits de douane sur les importations menace également de faire grimper l'inflation, en particulier aux États-Unis.
La Réserve fédérale américaine pourrait encore réduire ses taux d'intérêt, mais il semble probable qu'en raison de la politique plus inflationniste de la nouvelle administration américaine, la Fed mettra fin aux baisses de taux une fois que le taux de 3,75 % sera atteint.
Compte tenu de la faiblesse de la croissance, la BCE dispose d'une marge de manœuvre supplémentaire pour réduire les taux d'intérêt, mais il est peu probable que les taux à court terme descendent en dessous de 1,75%.
« Les banquiers centraux sont de plus en plus conscients des chocs potentiels de l'offre qui pourraient également stimuler les attentes en matière d'inflation. Par conséquent, un retour aux taux d'intérêt bas, voire négatifs, d'il y a quelques années semble exclu », a déclaré Peter Vanden Houte.
Étant donné que les taux d'intérêt à long terme sont déjà bien inférieurs aux taux à court terme, le potentiel de baisse supplémentaire est très limité. En effet, la courbe des taux devra se normaliser progressivement et le resserrement quantitatif des banques centrales tend également à augmenter les taux longs. Dans le même temps, la situation budgétaire difficile de certains pays européens pourrait pousser les écarts de taux d'intérêt à nouveau un peu plus haut, un mouvement qui a déjà commencé en France.
Bien que le dollar soit cher au regard de certaines mesures classiques telles que la parité de pouvoir d'achat, il devrait rester fort en 2025 et pourrait même se rapprocher de la parité avec l'euro. En effet, la Réserve fédérale réduira beaucoup moins ses taux d'intérêt que la BCE. En outre, les pays qui introduisent des droits de douane à l'importation voient généralement leur taux de change augmenter dans un premier temps.
Perspectives des marchés financiers : Les Etats-Unis restent en haut de l’affiche !
L’année 2024 aura été particulièrement favorable aux actifs à risque, surtout outre-Atlantique. La baisse des taux enclenchée par la grande majorité des banques centrales, le vent d’optimisme suscité par l’essor de l’intelligence artificielle générative, une solide croissance bénéficiaire et le fait que les Etats-Unis ne semblent plus menacés par la récession ont permis à Wall Street de faire la course en tête. Les indices Nasdaq composite et S&P 500 ont enregistré des gains totaux de plus de 34% (en euro), contre 26% pour les actions des principaux marchés industrialisés et émergents. A ce petit jeu des comparaisons, l’Europe (indice Stoxx Europe 600) fait pâle figure avec un gain de 10% : le vieux continent n’a jamais autant sous-performé les Etats-Unis depuis au moins l’an 2000 !
Pour compléter le podium et démontrer la suprématie des actifs à risque, signalons aussi la belle prestation des obligations à haut rendement (15%), de l’immobilier (13,5%) et des matières premières (8,5%).
Même si les marchés ont connu plusieurs épisodes de hausse de la volatilité, en raison de tensions (géo)politiques, ce tir groupé des actifs à risque démontre que les investisseurs ont majoritairement décidé de mettre leurs liquidités au travail. Et, comme le souligne Steven Vandepitte, stratégiste chez ING Belgique,
« cet état d’esprit devrait persister durant le premier semestre 2025, et ce même s’il n’est pas exclu que Donald Trump puisse provoquer des tensions passagères sur les marchés. La feuille de route des investisseurs, qui se résume essentiellement en trois points (croissance bénéficiaire, élargissement du rallye boursier et baisse des taux directeurs), devrait rester globalement favorable aux actifs à risque ».
Une croissance bénéficiaire ne provenant plus seulement des Sept Magnifiques
Les bénéfices sont clairement engagés dans un cycle haussier qui s’explique par la résistance affichée par l’économie américaine, mais aussi aux politiques monétaires plus accommodantes. Si l’on se fie au consensus des analystes, l'indice S&P 500 devrait enregistrer en 2025 une nouvelle année de forte croissance bénéficiaire (+13%, contre +10 % en 2024).
« Aux Etats-Unis, pour l'année prochaine, l'écart de croissance bénéficiaire attendue entre les Sept Magnifiques - NVIDIA, Microsoft, Alphabet, Amazon, Apple, Meta et Tesla - (+17 %) et le reste du marché (+12 %) devrait se réduire et permettre , au rallye boursier de s'élargir. Si l’on dézoome, on constate que les attentes de croissance bénéficiaire au niveau mondial continuent, elles aussi, à se renforcer (+10 % pour 2025). Et pour peu que la Chine puisse enfin sortir de l’ornière, ces prévisions pourraient encore être revues à la hausse » insiste Steven Vandepitte
Miser sur les actifs à duration élevée…
Dans ce contexte, le cycle haussier des actions semble en mesure de se poursuivre. Disposant d’une duration historiquement élevée (19,4 ans en moyenne), c’est-à-dire d’une plus grande sensibilité aux variations de taux d’intérêt, les actions devraient continuer à bénéficier des baisses de taux des banques centrales. D’un point de vue sectoriel, Steven Vandepitte songe évidemment aux technologies et services de communication, dont la duration moyenne est de 21 ans et qui bénéficient de l’essor de l’intelligence artificielle.
L’immobilier qui, pour la première fois depuis 2010, s’affiche comme le secteur disposant de la duration la plus élevée (22 ans) devrait également bien se comporter après une longue période de sous-performance. Tout comme les actions à petites capitalisations, surtout celles peu endettées, qui ont largement sous-performé les grandes capitalisations ces deux dernières années (-17%), ainsi que les métaux précieux. Ces derniers, et en particulier l’or, continuent, malgré des niveaux historiquement élevés, de bénéficier d’une forte demande émanant de banques centrales soucieuses de diversifier leurs réserves et réduire leur dépendance au dollar.
… surtout aux Etats-Unis
Au niveau régional, les États-Unis restent préférables à l'Europe, même si les actions américaines se traitent à des niveaux de valorisation assez élevés (à 25,5 fois leurs bénéfices attendus) qui pourraient leur valoir un peu d’instabilité. Malgré ce risque, les Etats-Unis ont plusieurs cordes à leur arc. Wall Street comporte davantage d’actions à duration élevée et dispose d’un potentiel de croissance supérieur. Le S&P 500 devrait à nouveau, selon le consensus du marché, se distinguer en 2025 avec une croissance bénéficiaire attendue quasi deux fois supérieure à celle en Europe (6,8%) ! Les tarifs douaniers voulus par Trump risque en outre de pénaliser l'économie européenne, en particulier l'Allemagne. Les tarifs douaniers pourraient augmenter la volatilité des prix à la consommation aux Etats-Uniset comprimer un peu les marges bénéficiaires des sociétés US, ce qui serait un scénario plus négatif pour les actifs à risque.
La dette des entreprises plutôt que celle des Etats
Sur le marché obligataire, les titres émis par les entreprises, surtout ceux de bonne qualité crédit (‘investment grade’), sont privilégiés par rapport aux emprunts d’Etat. Ces derniers sont, en effet, pénalisés par la dégradation des déficits publics et l’augmentation des besoins de financement dans de nombreux pays, mais aussi par l’orientation plus inflationniste des politiques voulues par Trump qui limite le potentiel de baisse de taux
« Même si leur prime de risque s’est déjà fortement contractée et affiche des niveaux historiquement faibles (0,8%, contre 1,6% en septembre 2022), il convient de continuer de privilégier les obligations d’entreprises car elles offrent un rendement attractif (5% en moyenne, contre moins de 2% en 2021), surtout si on le compare avec le rendement moyen des emprunts d’Etat (3,4%) » conclut Steven Vandepitte.
### Fin du communiqué de presse ###
Financial & Economic Outlook - Dec 24 - Press conference - final ppt.pdf
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Renaud Dechamps