Perspectives économiques et boursières : La fin de la stabilité
“Les cycles de croissance meurent rarement de vieillesse” avait il y a quelques années conclu une étude de la Federal Reserve. Mais selon Peter Vanden Houte, Chief Economist d’ING Belgique, il est clair que plus la période d’expansion est longue, plus le risque est grand de voir se creuser des déséquilibres qui rendent le cycle économique plus fragile. Aux Etats-Unis, la forte hausse des dettes, principalement des entreprises, fait que la croissance de l’économie américaine est de plus en plus sensible à des taux d’intérêt élevés. Dans ce cadre, même si la Federal Reserve ne remonte plus beaucoup son taux, un affaiblissement de la croissance pour la fin de l’année 2019 apparaît de plus en plus probable.
Malheureusement, l’économie chinoise est, dans le même temps, aux abonnés absents. Même si la guerre commerciale avec les Etats-Unis est en « stand-by » actuellement, la demande intérieure chinoise s’est affaiblie, bien que cela ne se reflète pas vraiment dans les chiffres officiels de croissance. Les autorités chinoises se montrent en outre plus prudentes en matière de mesures de relance car elles essaient de limiter le risque d’explosion de l’endettement. Par ailleurs, une croissance plus limitée en Chine et des taux d’intérêt plus élevés aux Etats-Unis continueront de peser sur la conjoncture des pays émergents. Cela se marque également dans des prix des matières premières qui sont orientés à la baisse.
Dans ce contexte, la croissance de la zone euro revient à sa (faible) vitesse de croisière. Bien que l’activité économique reste soutenue par la demande intérieure, l’Europe ressent de plus en plus les effets d’un commerce mondial en ralentissement. « N’oubliez par ailleurs pas que l’euro se trouve actuellement à son niveau le plus élevé des neuf dernières années par rapport aux devises de ses partenaires commerciaux,» aime à rappeler Peter Vanden Houte. Le rythme de croissance tendrait donc à se replier quelque peu en 2019, ce qui inévitablement pose la question de la stratégie de sortie de la BCE. Concrètement, cela signifie que les taux d’intérêt auront du mal à se relever dans les prochaines années. Il semble bien que 0% soit la nouvelle norme en matière de taux courts dans la zone euro.
A côté des problèmes liés au Brexit, le dossier italien continue d’embrumer les esprits. Certes, le fait que les Italiens ne veulent pas du tout sortir de l’euro est une bonne nouvelle. Cela devrait également pousser le gouvernement à chercher des compromis avec l’Europe. Ceci étant, l’Italie n’en demeure pas moins le talon d’Achille de la zone euro, et d’autant plus si l’économie fait du sur-place dans les prochaines années. Puisqu’il ne faut pas attendre de forte avancée en matière d’intégration budgétaire, la BCE devra continuer à jouer les pompiers. Un nouveau TLTRO (financement de long terme pour le secteur bancaire) paraît à ce titre une option de plus en plus réaliste en 2019, de même qu’une longue période de réinvestissement du portefeuille obligataire de la BCE. Il n’est donc vraiment pas encore question de parler de « Business as usual » pour la politique monétaire.
Réduire la voilure sur les actifs à risque…
Les marchés financiers ont-ils atteint un point de retournement ? A en juger par la piètre performance annuelle et la volatilité accrue des principaux actifs à risque (actions, obligations d’entreprises, secteur technologique, valeurs cycliques, matières premières …), il est fort probable que le sommet du cycle haussier a été atteint en 2018. De là à anticiper la fin de l’un des plus longs rallyes boursiers de l’histoire, il y a un pas que Steven Vandepitte, responsable de la stratégie d’investissement chez ING Belgique, ne franchit toutefois pas encore. Il ne faut pas confondre la fin d’un cycle avec la dernière phase d’un cycle ! La nuance est importante car cela signifie que le moment n’est pas encore venu de significativement sous-pondérer les actions en portefeuille.
Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faille s’aventurer en bourse à la légère. Il faut, en effet, être conscient que la volatilité induite par l’atténuation progressive des bilans des banques centrales, une croissance mondiale moins dynamique et un environnement (géo)politique plus incertain, va continuer à alimenter l’aversion au risque des investisseurs. D’autant que ces derniers vont devoir également intégrer dans l’équation une moindre croissance bénéficiaire. Les profits générés par les sociétés US devraient, certes, avoir progressé de près de 25% cette année, mais l’impact positif, promis par Donald Trump, de la baisse de la fiscalité est sans doute en bout de course. Les analystes anticipent une croissance des bénéfices US d’environ 10% l’année prochaine. Une prévision qui, bien que plus faible, risque de se révéler encore trop optimiste.
Les marchés boursiers étant confrontés à une conjonction défavorable - des taux plus élevés et une moindre croissance bénéficiaire -, Steven Vandepitte recommande de conserver un profil d’investissement moins cyclique en privilégiant les actions défensives et les actions « value » (sous-évaluées par rapport à leurs fondamentaux), comme les soins de santé. Les valeurs disposant d’une capitalisation boursière élevée, d’un solide bilan, d’une croissance stable des marges bénéficiaires, sans oublier les actions offrant un rendement des dividendes élevé devraient, elles aussi, tirer leur épingle du jeu.
Dans la même logique, mieux vaut, sur le marché des matières premières, privilégier les métaux précieux qui s’avèrent, par nature, plus défensifs et devraient profiter d’une banque centrale américaine potentiellement moins agressive et, par ricochet, d’un billet vert probablement moins vigoureux.
Enfin, sur le terrain obligataire, ce positionnement défensif se traduit par une préférence marquée pour les emprunts d’Etat les plus sûrs au détriment des obligations d’entreprises.