Les implications du Grexit – Questions/Réponses
Ce lundi est généralement considéré comme un autre « jour de la dernière chance » pour la conclusion d’un accord avec la Grèce. Les premières réactions à la dernière proposition faite par le gouvernement grec ce dimanche étaient légèrement positives.
NB : Ceci est le résumé de la note « The implications of Grexit », disponible ici
Ce lundi est généralement considéré comme un autre « jour de la dernière chance » pour la conclusion d’un accord avec la Grèce. Les premières réactions à la dernière proposition faite par le gouvernement grec ce dimanche étaient légèrement positives. (1) Bien que notre scénario table toujours sur un compromis typiquement européen, il serait naïf de ne pas s’interroger sur ce qui se passerait dans le cas d’un 'Grexit'. Selon nous, un compromis entre la Grèce et ses créanciers ne pourrait être durable qu’à condition que la première procède finalement à des réformes et que les seconds acceptent une certaine forme d’annulation de la dette. (2) Un ‘Grexit’ serait-il alors une meilleure idée? Économiquement, une sortie de la zone euro pourrait peut-être être digérée, mais sur le plan politique, cette stratégie serait imprévoyante car l’union monétaire ne serait plus un projet irréversible et elle aurait d’importantes conséquences géopolitiques. Selon nous, un ‘Grexit’ ne serait une solution gérable que si la zone euro devait immédiatement accroître l’intégration politique entre les États membres restants, ce qui est toutefois peu vraisemblable. (3) Entre un véritable accord et un choix explicite pour un ‘Grexit’, il reste de la marge pour ce que l’on pourrait appeler un ‘Graccident’, un scénario dans lequel la Grèce quitterait la zone euro de façon involontaire ou ‘par accident, c’est-à-dire pas en raison d’une stratégie explicite, mais à cause de l’irritation politique et d’une mauvaise compréhension mutuelle. Voici un Q&A sur la façon dont un tel scénario pourrait se dérouler.
Question : comment un ‘Grexit’ pourrait-il se dérouler ?
Il n’existe pas de règles, ni de précédent pour la sortie d’un pays de l’Eurozone, qui reste une décision politique. Il pourrait résulter d’une décision volontaire du gouvernement grec ou d’un événement contraignant la BCE à retirer son aide d’urgence au secteur bancaire grec. La première option est peu probable compte tenu des conséquences économiques (voir plus loin) et du solide soutien de la population grecque à l’euro.
La seconde option pourrait résulter d’un défaut de paiement du gouvernement grec. Ce dernier peut en effet donner lieu à un ‘credit event’, un événement en raison duquel l’ensemble de la dette vis-à-vis des créanciers privés serait considérée comme en situation de défaut de paiement. À la fin du mois, la Grèce doit rembourser 1,5 milliard d’euros au FMI, mais l’agence de notation Standard & Poor’s a déclaré qu’un défaut de paiement vis-à-vis de celui-ci ne serait pas considéré comme un ‘credit event’ car les institutions internationales ne sont pas répertoriées comme des créanciers privés.
C’est plutôt un défaut de paiement vis-à-vis de la BCE le 20 juillet qui pourrait constituer le premier problème, non pas en raison d’un ‘credit event’ – pour la même raison que le FMI –, mais parce que la BCE devrait alors décider si elle continue à soutenir le secteur bancaire grec via le système d’aide d'urgence en liquidités (Emergency Liquidity Assistance ou ELA), qui implique des garanties des banques grecques, lesquelles sont généralement des titres de la dette publique. L’ELA devient de plus en plus important pour compenser les retraits de capitaux en Grèce. Sans l’ELA, la Grèce devrait imposer des contrôles des capitaux et recapitaliser, voir nationaliser, le secteur bancaire. Sans aide extérieure (qui se refuserait à la Grèce en cas de défaut de paiement et d’absence d’accord global), ce serait uniquement possible si une nouvelle devise est introduite. Cela dit, même dans le cas d’un défaut de paiement grec vis-à-vis de la BCE, la BCE ne voudra sans doute jamais « retirer la prise » sans le soutien politique des États membres.
Question : quelles seraient les conséquences pour la Grèce?
Tout d’abord, une devise parallèle serait introduite, laquelle se déprécierait directement dans une large mesure par rapport à l’euro. Ceci propulserait l’inflation à la hausse étant donné que les biens et services importés deviendraient plus chers.
Même avec une recapitalisation des banques grecques, l’octroi de crédit serait interrompu et les investissements et la consommation s’effondreraient, ce qui plongerait la Grèce dans une récession profonde. Compte tenu de la faiblesse des exportations, il faudrait probablement longtemps avant que la dépréciation ait des conséquences positives. Nous estimons l’impact d’un ‘Grexit’ sur l’économie grecque à près de 7,5% du PIB. La population grecque serait confrontée à de nouvelles réductions du pouvoir d’achat et à une hausse du chômage. Sur le plan politique, il n’est pas certain que le gouvernement actuel survivrait à un ‘Grexit’. Il n’est pas exclu que l’extrême droite retourne au pouvoir en profitant de la déception des Grecs. Une question importante est de savoir si la Grèce pourrait rester membre de l’UE si elle quitte la zone euro. Il s’agit d’une question cruciale car le Grèce bénéficie de subsides européens. Légalement, un pays ne peut quitter la zone euro que s’il quitte également l’UE, mais il pourrait il y avoir un subterfuge pour que la Grèce reste malgré tout membre de l’UE.
Question : quel serait le coût pour les créanciers?
77% de la dette publique grecque est détenue par le secteur public : le FESF, les pays de la zone euro via des emprunts bilatéraux, la BCE et le FMI. Si l’on se concentre sur les créanciers européens, la BCE serait la première touchée par un défaut de paiement total. La BCE détient 27 milliards d’euros d’obligations d’État grecques venant à échéance entre 2015 et 2026. En outre, la BCE est également exposée à 99 milliards d’euros de dette de la banque centrale grecque au sein du système de paiement interbancaire de la zone euro (TARGET2) : en cas de ‘Grexit’, la Banque de Grèce ne pourrait plus rembourser cette dette. Dans les deux cas, la BCE devrait être recapitalisée par les États membres restants de la zone euro, mais ceci sera globalement supportable. Si l’on considère la dette vis-à-vis des pays de la zone (directement ou indirectement via le FESF), même un abandon total de la dette n’aurait pas d’impact budgétaire tout de suite, ni pour la Grèce, ni pour ses créanciers, puisque les premiers paiements de capital et d’intérêts ne doivent débuter qu’à partir de 2020.
Question : y aurait-il un impact économique sur le reste de l’Europe?
Au cours de ces dernières années, deux développements ont fortement diminué l’impact d’un éventuel ‘Grexit’ sur le reste de l’Europe : (1) la création de mécanismes visant à limiter la contagion (essentiellement le programme OMT de la BCE, voir ci-dessous) et (2) la diminution de l’exposition du secteur privé à la Grèce. Les banques allemandes et françaises, dont l’exposition étaient la plus élevée, ont ramené leur exposition au secteur public et au secteur privé (non financier) grecs de respectivement 24 et 54 milliards de dollars en 2010 à 6 et 1,5 milliards en 2014. Ceci réduit largement l’éventuel impact négatif d’un ‘Grexit’. En outre, le secteur bancaire est mieux capitalisé aujourd’hui, les pays périphériques de la zone euro affichent à nouveau une croissance positive et le programme d’assouplissement quantitatif de la zone euro a atteint sa vitesse de croisière : la croissance semble donc durable.
Un ‘Grexit’ pourrait cependant provoquer de l’incertitude car il remettrait le caractère irréversible de l’union monétaire en question. L’attention se porterait sur d’autres États membres à l’endettement public élevé. Les mouvements contre l’austérité pourraient se radicaliser dans les pays périphériques. Les élections qui doivent avoir lieu au Portugal et en Espagne dans quelques mois ne feraient qu’attiser les incertitudes. Actuellement, nous estimons l’impact négatif sur la croissance du PIB de la zone euro à environ 0,3 à 0,5 point de pourcentage tant en 2015 qu’en 2016, essentiellement via l’effet sur la confiance économique.
À long terme, un ‘Grexit’ pourrait conduire à la réapparition du risque de change au sein de l’union monétaire. Lorsqu’un État membre connaîtra à l’avenir des problèmes financiers, les marchés se mettront à anticiper un ‘risque de sortie’. Ceci entraînera probablement une hausse de la fragmentation financière entre les pays de la zone euro. Une poursuite de l’intégration économique et politique est dès lors indispensable dans la zone euro afin d’éliminer définitivement de tels risques. Nous ne pensons toutefois pas que ceci sera rapidement mis en œuvre.
Question : que serait l’impact sur les marchés financiers?
Même si les dommages économiques directs devraient être moins importants que ce que l’on redoutait dans le passé, un ‘Grexit’ minerait certainement la confiance des marchés et augmenterait l’aversion pour le risque. On pourrait assister à une correction boursière de 10% à 15%. Parallèlement, la fuite vers les actifs sûrs entraînerait une baisse substantielle des rendements obligataires dans les pays du noyau dur. Le taux allemand à 10 ans pourrait à nouveau flirter avec le niveau de 0%. Les spreads des pays périphériques pourraient augmenter et atteindre 100 pb, avec des spreads espagnols et italiens de l’ordre de 250 pb. La BCE pourrait alors décider de relever ses achats mensuels d’obligations dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif ou avoir recours au programme OMT. Sur le marché monétaire, les liquidités excédentaires resteraient considérables.
L’euro se déprécierait probablement via deux canaux. D’une part, le risque pesant sur la survie de l’euro pourrait pousser les investisseurs vers des devises sûres comme le dollar, le yen et le franc suisse. Dans un scénario de ‘Grexit’, le taux de change EUR/USD redescendrait rapidement vers 1,05. D’autre part, l’éventuelle politique monétaire plus souple (via l’assouplissement quantitatif ou le programme OMT) que cette nouvelle crise occasionnerait pourrait encore affaiblir davantage l’euro.
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