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La Russie : Quelles perspectives économiques ? Quelles relations commerciales avec la Belgique?

Avec une superficie quatre fois plus grande que l’Union Européenne et un PIB équivalent à 3 fois celui de la Belgique, la Russie est une grande puissance politique, mais aussi un partenaire économique non-négligeable pour la Belgique. Si la croissance économique russe a été impactée ces dernières années par les sanctions occidentales et la chute du prix du pétrole, ce qui a causé une récession entre 2014- 2016, les perspectives pour 2018 et 2019 sont modérément optimistes et la croissance du PIB pourrait s’établir à 2% en 2018.

Avec 6,86 milliards d’euros d’importations belges en provenance de la Russie en 2017, principalement des perles et métaux précieux, ainsi que du produits minéraux tels que le gaz, la Russie occupe la troisième place au classement des partenaires commerciaux extra-européens les plus importants pour la Belgique. Les entreprises belges exportent en outre pour 2,63 milliards d’euros de biens vers la Russie, surtout des produits chimiques ainsi que des machines, matériels et appareils électriques.

L’économie russe se porte mieux

La Russie en quelques chiffres…

Avec près de 17,1 millions de Km² (soit près de 4 fois la superficie de l’Union Européenne), la Russie est le pays le plus vaste de la planète. Economiquement, la situation est différente. C’est notamment dû à une densité de population très faible : on dénombre « à peine » 147 millions d’habitants, soit l’équivalent de la population de la France et de l’Allemagne réunies. Sur le plan de l’activité économique, le PIB russe atteignait, en 2017, 91.650 milliards de roubles, ce qui au taux de change de l’époque, correspond à 1.356 milliards d’EUR. Cela situe le PIB russe entre celui de l’Espagne et de l’Italie, ou encore à un peu plus de 3 fois celui de la Belgique. Si l’on corrige néanmoins ces chiffres compte tenu d’un taux de change qui ne reflète pas bien un niveau de prix plus faible en Russie, on peut néanmoins considérer qu’en parité de pouvoir d’achat, l’activité économique de la Russie correspond à celle de l’Allemagne.

L’économie russe est évidemment dominée par le secteur du pétrole, du gaz et de manière plus générale de l’énergie. Au début de cette année, la production de pétrole atteignait en effet 10,5 millions de barils par jour, soit 12,9% de la production mondiale. Il faut y ajouter les 60 millions de m³ de gaz produits chaque mois. Le secteur de l’énergie est également crucial pour les finances publiques russes, puisqu’il est la source de plus de la moitié des revenus de l’état. Cela explique également pourquoi les évolutions tant de la croissance économique ou des finances publiques que du taux de change du rouble sont dépendants des cours pétroliers.

La croissance économique impactée par les sanctions et les prix du pétrole

Au printemps 2014, les Etats-Unis et l’Union Européenne ont mis en place des sanctions économiques et politiques à l’encontre de la Russie suite au conflit Ukrainien. Outre l’exclusion de la Russie du G8 (qui est donc redevenu le G7), les sanctions appliquées consistaient en un gel des biens de certains individus et entités, des restrictions dans les transactions financières pour les firmes russes, ainsi que des limitations dans les exportations vers la Russie d’armes, de produits utilisés pour la production du pétrole et de produits à double usage civil et militaire [1]. En Août 2017, la Russie a contre-attaqué en interdisant l’importation de produits agricoles et alimentaires, tels que la viande, le lait, le poisson, les fruits et les légumes. Etant donné que l’économie russe n’est pas fortement diversifiée, que près de 70% des exportations russes sont des produits minéraux et que la plupart des exportations russes ont pour destination l’Union Européenne (42,4% du total des exportations en 2013), le pays a été impacté par les sanctions, même s’il est difficile d’évaluer précisément quel est l’impact sur le PIB. En effet, dans le même temps, d’autres éléments internationaux ont eu un impact négatif sur l’économie russe, et plus particulièrement la chute du prix du pétrole. Celui-ci est descendu à presque 30 $ le baril en janvier 2016, alors qu’il était encore à 100 $ en janvier 2014. Cette chute du prix du pétrole était due à différents facteurs étrangers aux sanctions, et principalement au développement de la production aux Etats-Unis, qui a poussé l’offre de pétrole à la hausse. Les sanctions et la chute du prix du pétrole ont conduit à une fuite de capitaux hors de la Russie, ce qui a impacté négativement le climat d’investissement. Le rouble s’est fortement déprécié (il a, en 2015, perdu plus de 50% de sa valeur par rapport au dollar), l’inflation a fortement augmenté et la croissance du PIB russe a nettement diminuée (0,7% en 2014 et -2,8% en 2015). En outre, les sanctions ont créé une incertitude juridico-politique décourageant entreprises et banques étrangères, ce qui a eu des conséquences négatives sur l’investissement. Depuis, les sanctions de 2014 sont toujours en place, même si certaines voix au sein de l’Union Européenne s’élèvent pour les lever, et particulièrement en Autriche et en Italie où les nouveaux gouvernements sont davantage pro-russes.

Le 6 avril 2018, de nouvelles sanctions américaines ont été mises en place pour sanctionner la Russie suite à l’empoisonnement présumé de l’espion russe Skripal, à la possible intervention russe dans les élections américaines de 2016 et au soutien du Kremlin au régime Assad en Syrie, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques. Des oligarques (dont le propriétaire du groupe Rusal [2]), des personnalités publiques et des entités russes ont été placés sur la liste des ressortissants spécifiquement désignés (SDN), ce qui gèle leurs actifs et interdit aux Américains de faire des affaires avec eux. Ces mesures sont perçues comme ouvrant la voie à des sanctions contre n'importe quelle société sur le territoire russe et à des contres-sanctions par le Kremlin. Il n’est en effet pas évident de savoir si les pays européens soutiennent les mesures américaines, et si les sociétés européennes pourraient être sanctionnées par les Etats-Unis en cas de relation commerciale avec les personnes et entités figurant sur la liste. Les investisseurs ont donc rapidement pris peur, ce qui a fait plonger les cours de bourses des sociétés impactées par les sanctions et a poussé à la dépréciation du rouble. Néanmoins, malgré l’incertitude, ces sanctions devraient avoir un impact moindre sur l’économie russe. En effet, d’une part, les sanctions sont moins importantes qu’en 2014 et, d’autre part, l’économie russe se porte mieux qu’en 2014.

Des perspectives modérément optimistes

En effet, après une période de récession entre 2014 et 2016, l’économie russe a repris le chemin de la croissance depuis 2017. Pour 2018, la hausse des prix du pétrole ainsi que le bon niveau des indicateurs PMI nous permettent de considérer un scénario relativement optimiste.

Le PIB a augmenté de 1,3% en glissement annuel au premier trimestre 2018, et nous estimons qu’il devrait augmenter de 2% sur l’ensemble de l’année, malgré un certain nombre de risques tels que l’impact des nouvelles tensions et l’évolution du cours du rouble. L’industrie russe a repris vigueur en ce début d’année 2018, la production industrielle ayant augmenté de 1,9% au premier trimestre en glissement annuel, contre une baisse de 1,7% au quatrième trimestre 2017.

La consommation des ménages devrait également contribuer à la croissance, car d’une part les salaires réels sont en hausse, principalement suite à une hausse des salaires publics et, d’autre part, la confiance des consommateurs est à un haut niveau, qui n’avait pas plus été atteint depuis le début d’année 2014.

De plus, l’inflation des prix à la consommation est restée stable durant les 3 derniers mois à 2,4%, après le point bas à 2,2% en début d’année. L’inflation reste donc historiquement faible et loin de l’objectif de 4% de la banque centrale, mais si la dépréciation du rouble pourrait faire augmenter le prix des biens importés. En conséquence, nous estimons que la Banque de Russie continuera sa politique monétaire accommodante en 2018 et 2019, et que l’inflation devrait rejoindre les 4% durant le premier semestre 2019. Nous prévoyons deux baisses du taux directeur de 25 points de base (de 7,25% à 6,75%) par la Banque de Russie en 2018, et deux autres baisses en 2019.

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2. Importance des relations commerciales avec la Belgique

La Belgique est un pays très ouvert, qui exporte pour 85.1% de la valeur de son PIB en 2017 et importe pour 84,3%. La plupart du commerce international belge est orienté vers les pays de l’Union Européenne (72% du total des exportations et 64% du total des importations en 2017). Néanmoins, les exportations extra-européennes de biens et services belges représentent 120 milliards de dollars en 2017, tandis que plus d’un tiers des importations belges (145 milliards de dollars) proviennent de l’extérieur de l’UE. Parmi les partenaires non-européens, la Russie occupe une place relativement importante, malgré les sanctions en place depuis 2014. Ainsi, au niveau des importations, elle est le troisième partenaire extra-européen de la Belgique après les Etats-Unis et la Chine. Pour les exportations belges, la Russie est le cinquième partenaire hors UE en termes d’importance, derrière les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Turquie.

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Etant donné que les exportations et importations de services vers et en provenance la Russie ne représentent qu’une part infime des échanges entre les deux pays, nous nous concentrerons dans cette analyse sur le commerce de biens.

La part des importations en provenance de Russie dans le total des importations belges de biens s’élevait à 2,5% [3] en 2017, ce qui équivaut à 6,859 milliards d’euros. Après une baisse suite à la mise en place des sanctions en 2014, la part de biens russes dans les importations de la Belgique a recommencé à augmenter en 2017. Concernant les exportations, la part des biens belges exportés qui vont vers la Russie tourne depuis quatre ans autour de 1%, soit 2,630 milliards d’euros en 2017, avec une faible tendance à la hausse depuis 2015.

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D’autre part, le solde commercial de la Belgique vis-à-vis de la Russie est depuis 10 ans toujours négatif, la valeur des importations dépassant la valeur des exportations. Depuis 2013, le déficit commercial de la Belgique par rapport à la Russie dépasse chaque année les 3,4 milliards d’euros. Le solde commercial est pourtant positif pour les services belges, mais la balance des biens étant fortement négative, il y a un déficit commercial entre les deux pays, en raison de l’importance des matières premières.

Orientation sectorielle

En termes de répartition sectorielle, les biens belges exportés vers la Russie appartiennent principalement aux groupes de produits suivants : produits des industries chimiques (35,7% du total des biens belges exportés vers la Russie), machines et appareils (21,3%), matières plastiques (9,9%) et matériel de transport (8,7%). Les exportations vers la Russie sont donc concentrées sur un faible nombre de secteurs et l’industrie chimique occupe la place la plus importante, avec plus d’un tiers des exportations.

Au niveau des importations, la Belgique importe de Russie principalement des perles et métaux précieux (41% du total des importations belges de biens russes), des produits minéraux (35,8%) et des métaux (14,1%). L’ensemble des autres secteurs représentent seulement 9% du total, les importations sont donc fortement concentrées sur ses trois principaux secteurs.

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Importance de la Russie pour chaque secteur

Pour chaque secteur, la Russie est-elle un partenaire important ? Au niveau des exportations belges, 2% du total des exportations belges de machines et appareils ont pour destination la Russie, tandis que 1,5% du total des produits chimiques belge exportés vont vers la Russie. Les autres secteurs n’exportent que maximum 1,3% de leurs biens vers la Russie, ce qui implique que la situation économique de la Russie n’a que peu d’impact sur leur total des exportations de la Belgique.

En ce qui concerne les importations belges de biens russes, la situation est un peu différente; dans certains secteurs, les biens russes représentent une grande part du total des importations. Ainsi, 18,8% des perles et pierres précieuses importées en Belgique proviennent de la Russie, tandis que 6,6% du total des produits minéraux importés sont expédiés depuis la Russie. Le bois et charbon russes représentent 3,4% du total de ces produits importés en Belgique, tandis que 4,7% des métaux consommés en Belgique qui viennent de l’étranger ont pour origine la Russie.

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[1] Smeets, M., Can Economic Sanctions be effective ?, WTO Staff working paper ERSD-2018-03, 15 March 2018
​[2] Premier producteur d’aluminium au monde
​[3] Selon les données en concept national, qui gomme la plupart du phénomène de réexportations directes.

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