La BCE fait marcher la planche à billets

Le 22 janvier dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé d'acheter massivement et inconditionnellement des obligations d'État afin de soutenir l'économie européenne et de lutter contre la déflation. Dans le jargon spécialisé, cette mesure est qualifiée d'assouplissement quantitatif ou ʺQEʺ (abréviation anglaise de Quantitative Easing). Nous répondons ci-dessous aux principales questions relatives à cette nouvelle mesure.

Le 22 janvier dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé d'acheter massivement et inconditionnellement des obligations d'État afin de soutenir l'économie européenne et de lutter contre la déflation. Dans le jargon spécialisé, cette mesure est qualifiée d'assouplissement quantitatif ou ʺQEʺ (abréviation anglaise de Quantitative Easing). Nous répondons ci-dessous aux principales questions relatives à cette nouvelle mesure.


1.    Quel est le problème ?

La principale mission de la BCE consiste à maintenir une certaine stabilité au niveau des prix des biens et des services dans la zone euro. Plus précisément, elle vise une évolution des prix à la consommation (ou inflation) de 2 % par an, un niveau suffisamment bas pour offrir une stabilité suffisante, mais aussi suffisamment élevé pour rester à une distance sûre de l'inflation négative. Une baisse généralisée des prix (ou déflation) pose problème, car elle complique le remboursement des dettes : les prix et revenus baissent, mais le montant à rembourser reste identique. Si les baisses de prix sont très importantes, cela peut en outre créer un cercle vicieux, car les consommateurs peuvent reporter leurs achats pour acquérir ultérieurement des produits et services à de meilleurs prix.

Aujourd'hui, c'est précisément le bas niveau de l'inflation qui est problématique : en raison du climat économique morose dans la zone euro, la demande de biens et services n'est pas suffisante. Par conséquent, depuis quelques années, l’augmentation des prix est clairement inférieure à 2 % par an. La forte baisse des prix du pétrole à la fin de l'année dernière a même rendu l'inflation négative. Dans l’ensemble de la zone euro, les prix ont baissé de 0,2 % en décembre comparé à décembre 2013.

Pour la BCE, c'est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est la raison pour laquelle elle a annoncé cette nouvelle mesure la semaine dernière.


2.    Comment fonctionne habituellement la BCE ?

Une banque centrale fait grimper l'inflation en incitant les consommateurs à consommer et les entreprises à investir. Cette démarche stimule l'activité économique et fait augmenter la demande. Par conséquent, les prix augmentent également.

En temps normal, la BCE tente de stimuler indirectement le comportement des ménages et des entreprises via le financement des banques. Pour ce faire, elle utilise un taux directeur, le taux auquel les banques peuvent emprunter à la BCE. Une baisse de ce taux directeur a pour effet que les banques réduisent également leurs propres taux. Résultat : les ménages et les entreprises peuvent emprunter de l'argent à moindre coût, ce qui stimule les investissements, et les livrets d'épargne rapportent moins, ce qui incite les ménages à dépenser leur argent plutôt qu'à le thésauriser.



3.    Pourquoi acheter massivement des obligations d'État ?


En septembre, la BCE a ramené son taux directeur à 0,05 %. Ce taux peut donc difficilement baisser davantage. Vu l'inflation négative, la BCE a donc dû chercher d'autres mesures destinées à soutenir l'économie.

Elle a donc décidé d'acheter massivement des obligations d'État. Les personnes qui vendent leurs obligations d'État à la BCE sont payées en liquidités, qu'elles peuvent utiliser pour consommer ou investir. La BCE peut ainsi injecter directement de l'argent frais dans l'économie ; elle ne doit plus passer par les banques. Comme beaucoup plus d'argent circule, il y a davantage de chances que les prix augmentent à nouveau. D'où le terme ʺassouplissement quantitatifʺ : la politique monétaire n'est plus assouplie par une baisse de taux d'intérêt, mais en augmentant directement la quantité d'argent en circulation.

En septembre, la BCE avait déjà décidé d'acheter massivement plusieurs catégories d'obligations émises par le secteur privé. Mais il s’est rapidement avéré qu'il n'y avait pas assez d'obligations privées pour stimuler suffisamment l'économie. La BCE a dès lors décidé, la semaine dernière, de commencer à acheter des obligations publiques, en l'occurrence des obligations d'État des 19 pays de la zone euro et des obligations d’institutions européennes.



4.    Quels sont les avantages du QE ?


  • Comme nous l'avons expliqué, la BCE ne dépend plus des banques pour impacter l'économie réelle.
  • L'annonce du QE peut renforcer la confiance des acteurs économiques, car nous savons désormais que la BCE est prête à tout pour soutenir l'économie. Ce regain de confiance a été clairement constaté aux États-Unis, où la Réserve fédérale (la banque centrale américaine) a réalisé un QE durant la majeure partie de la crise.
  • Le QE est une bonne nouvelle pour les finances publiques des pays de la zone euro. En effet, le taux que paient ces pays sur la dette publique achetée revient à la BCE ou à leur banque centrale nationale. Ces paiements de taux sont ensuite reversés en grande partie aux pouvoirs publics sous forme de dividendes.
  • Par ailleurs, comme beaucoup plus d'argent circule, l'euro s'affaiblit par rapport aux autres devises. Les exportations de la zone euro deviennent ainsi plus attrayantes pour le monde entier. L'euro s'est d'ailleurs déjà fortement affaibli depuis l'été, car tout le monde s'attendait à un tel programme.

5.    Quels sont les risques ?

  • L'impact sur les taux à long terme n'est pas univoque. À la suite de cet achat massif d'obligations d'État, leur prix devrait normalement augmenter, ce qui devrait en faire baisser le rendement. Aux États-Unis cependant, les taux à long terme ont toutefois augmenté après l'annonce des différents programmes d'assouplissement.
  • Les personnes qui vendent des obligations à la BCE ne doivent pas nécessairement consommer ou investir l'argent perçu dans l'économie réelle, mais peuvent choisir de le réinvestir. Cela peut faciliter le financement des entreprises mais risque en même temps de créer des bulles financières, par exemple sur le marché des actions ou dans l'immobilier.
  • La BCE et les banques centrales nationales reçoivent certes les paiements d'intérêts sur les obligations qu'elles achètent, mais elles en supportent également le risque si les établissements privés ou les pays émetteurs de ces obligations font faillite ou sont en défaut de paiement. A ce titre, c’est en Grèce que le risque de non-paiement ou de restructuration de la dette est le plus élevé, eu égard au nouveau gouvernement anti-austérité du premier ministre Alexis Tsipras. Mais on notera que pour le moment, la BCE n’achètera pas d’obligations grecques.
  • Pour certains pays clés de la zone euro, tels que l'Allemagne, faire baisser le taux sur les obligations d'État impliquera que certains pays de la zone euro ne seront plus soumis à aucune pression pour réformer structurellement leur économie. La BCE a toutefois dit et répété qu'elle ne tenait pas compte de ce type de préoccupations : son objectif primaire consiste à ramener l'inflation à 2 %.

Vanessa Zwaelens

Head of External Communication